Deux villes, mille et une richesses
Mausolées, palais, murailles, forteresses, cimetières, mosquées. Ces deux cités historiques proposent un legs à préserver à tout prix
Les études anthropologiques, historiques, cartographiques, juridiques et architecturales menées par les experts nationaux et internationaux laissent découvrir des similitudes d’une richesse porteuse de développement touristique et économique. Ruelles étroites, palais, mosquées, zawiyas, murailles, forteresses et cimetières parfois millénaires.
Située sur la côte orientale de Ndzuani, la ville millénaire de Domoni fut la toute première à être influencée par le sultanat venu de la région de Chiraz en Iran. Les sultans qui régnaient aux Comores dans les Cités-états transformés en Médinas à partir de XVe siècle, font construire de nombreux palais avec des portes monumentales, des mosquées, des fortifications et des tombes pyramidales ou dites en «Ailes».
Une grande «beauté royale»
Ainsi, Domoni ya Ndzuani reste, aujourd’hui encore, une ville symbolique, capitale culturelle, traditionnelle et moderne avec, notamment, ces trois palais que sont Ujumbe, Twayifa et Pangani.
L’Ujumbe est, à l’heure actuelle, le seul des trois qui semble avoir, le mieux, résisté au temps, même si des fissures ont poussé les résidents à l’abandonner au début de cette année 2024. En effet, il reste, tout comme tant d’autre palais de la place, du domaine privé malgré leur valeur nationale.
Construit en 1274 par Fani Onthman Ibn Affane, le palais Pangani, également propriété privée, offre une architecture d’une grande «beauté royale» malgré sa dégradation depuis quelques années. Par rapport aux legs religieux, la ville de Domoni proposent différents monuments, notamment, la mosquée chirazienne des XIVe et XVè siècle.
Selon l’historien et anthropologue, Damir Ben, au XVIIe siècle, les villes avaient déjà pris la physionomie des médinas actuelles avec des ruelles étroites et des remparts par endroit.
La ville d’Istandraya n’a pas fait exception. Vers la fin XVIIIè-début XIXè – correspondant à l’époque des razzias malgaches sur les côtes comoriennes – sultan Fumnau wa Kori, Tibe de Ngazidja a fait construire le palais Gerezani avec une seule entrée pour ne laisser aucune issue aux envahisseurs. Ce chef-d’œuvre est, aujourd’hui, le symbole vivant de la résistance contre les pirates malgaches.
Construit en hauteur pour pouvoir prévenir les razzias malgaches auxquels les Comores ont dû affronter durant de longues années, le palais Gerezani compte deux tours de vigie qui donnent sur la mer et sur une partie de la médina, deux prisons situées de part et d’autre de la chambre du sultan, deux couloirs et une salle de conseil.

Désormais, tout cela est, malheureusement, abandonné à l’assaut des mauvaises herbes qui ne se privent pas de tout détruire sur leur passage.
Avec le dossier d’inscription des médinas des Sultanats historiques à l’Unesco, des promesses de réhabilitation fusent par-ci et par-là. Cela pourrait être une grosse aubaine pour le tourisme comorien.
Respirer le patrimoine matériel et immatériel
Sa grande plage blanche et sa proximité avec la capitale, la ville d’Itsandraya et sa médina aux milles couleurs peuvent, en effet, attirer de nombreux touristes. La cité a connu de nombreuses influences swahili, arabe, et, plus tard, européenne.
Ce mélange a donné naissance à une diversité culturelle qui a laissé ses empruntes sur les palais, les mausolées, les places publiques, les maisons princières, les cimetières, un rempart et le Gereza datant du XVIIè siècle.
Cette médina abrite, en outre, le mausolée du célèbre érudit, Al Habib Omar, originaire d’Itsandraya et du Hadramawt au Yémen, et mort en 1976.
Chaque année, des milliers de Comoriens et de Zanzibars, notamment, s’y rendent pour commémorer sa mort et rendre hommages à ses apports divers à la société et qui continuent, aujourd’hui encore, à influencer des générations. Il y a des visages qu’on oubli mais peut-être pas celui de Al Habib Omar devenu un des éléments constitutifs du billet de banque de 10.000 franc comoriens. Itsandraya propose, également, le Cimetière Mkufundi ou encore Cimetière Fesse Al-Amine, où est enterré un spécialiste des astres célèbre, aujourd’hui encore, dans toute la région d’Itsandraya. Cette cité d’Itsandraya aux monuments et histoires insolites, ses nombreuses places publiques (bangwe) qui respirent le patrimoine matériel et immatériel des Comores, est une de celles qui retiennent, le plus, l’attention des visiteurs étrangers.
Aujourd’hui, ces médinas des Sultanats historiques ont besoin d’un arsenal juridique pouvant mettre fin à la dégradation de monuments qui appellent au secours.
«Le tourisme culturel devrait contribuer à initier et à développer des actions de protection et de promotion du patrimoine culturel local, ainsi que des activités génératrices de revenus. Il permettra à la population rurale et urbaine, notamment à leurs préfectures et mairies, de mobiliser leurs ressources culturelles de façon durable et efficace pour répondre aux besoins de développement social, culturel, et économique de l’archipel», rappelait l’expert national impliqué dans la préparation du dossier, dr. Oulédi Ahmed.
Mahdawi ben Ali