Des traces de sultanats à préserver
Construite au XIVè siècle, la ville de Moroni abrite un des médinas les plus attractifs des Comores bien qu’elle ait perdu certains de ses monuments, transformés en bureau de l’administration publique ou complètement rasés pour laisser place à de nouvelles constructions.
On y trouve encore des palais toujours habités par les descendants de familles royales, des mosquées, des zawiya, des cimetières, des ruelles étroites comme on en trouve dans la majorité des médinas des sultanats historiques du pays ou encore des restes des remparts qui avaient été érigés pour faire face aux incursions des razzias malgaches. Moroni – «Undroni» de son nom d’origine qui signifie «là où il fait bon vivre» a été construit, selon l’anthropologue Damir Ben Ali par des populations qui seraient venues du sud-est de l’île de Ngazidja au XIVè siècle.
Cette ville portuaire située entre 0 et 5 m d’altitude par rapport au niveau de la mer, offre une architecture semblable à celle de l’Afrique de l’Est. Ici, les vieilles maisons construites à deux, trois ou quatre niveaux, collées les unes aux autres, ne laissent place qu’à de petites ruelles parfois d’à peine un mètre de large souvent couvertes par les paravents de courts oriels des maisons.
Trois «djumbe» et une «fierté»
Plusieurs demeures gardent, cependant, toujours leurs belles portes en bois sculptées à l’ancienne et les dalles de plaques de lave reliées au mortier de chaux, posées sur des poutrelles en bois décorées.
La médina de Moroni abrite, également, trois palais ou «djumbe». Le Dhwahira construit en 1893 pour le sultan Saïd Ali, le Msiri ntsini, résidence du sultan Saïd Ali et de sa famille et Shashanyongo datant de la fin du XIXè siècle. Ce dernier conserve encore une grande partie de sa structure originelle partiellement restaurée, bien que l’intérieur du bâtiment soit en mauvais état.
«Son architecture présente une version tardive des éléments typiques des palais swahilis, avec des plafonds et des portes décorées en bois. Le palais est encore habité par un descendant du sultan». Comme le veut la tradition matriarcale des Comores, ces vestiges appartenaient aux princesses. Bibi Anziza, femme de Msa Fumu, Mwana Mkuu et Mwana Sittina, épouses du sultan Saïd Ali.
«Djumwa aswili»
Comme pour la totalité des localités comoriennes, la médina de Moroni regorge d’édifices religieux, notamment une dizaine de mosquée. La Mosquée du vendredi («Msihiri wa djumwa» en comorien) plus communément appelée «Djumwa aswili» est, sans doute, de tout point de vue, le plus caractéristique de ces édifices.

Construite à côté de la célèbre Place de Badjanani et dont le «mihrab» (prêchoir) porte la date de 880H/14/26, elle a subi certaines modifications et des additions par adjonction de salles accolées, souvent avec grande habileté et en recourant, pour ce qui est du toit, de matériaux et des techniques de construction à l’ancienne, tel que les «boroti». Les résultats témoignent du savoir-faire des artisans de l’époque où ont été menés ces travaux d’agrandissement ou encore de conservation et de restauration.
«Construite au XIVè siècle, l’ancienne mosquée du Vendredi de Moroni est un chef d’œuvre de la religion musulmane aux Comores. Cette mosquée symbolise la piété et la dévotion des croyants musulmans. Elle représente la fierté de la médina de Moroni et de l’ensemble du pays. Elle est pour l’ensemble des Comoriens ce que «Notre Dame de Paris» est pour les Français», devait résumer, à son propos, l’expert national, Mboreha Selemane.
Ntsudjini Ngome (Ntsudjini «les remparts»)
Bâti au XIVè siècle, Ntsudjini où coexistaient douze «clans » a vu sa population massacrée et sa ville brulée à deux reprises, en 1806 par les assaillants malgaches et en 1882 par le sultan Saïd Ali. Bien qu’elle soit perchée en hauteur sur une pente située entre 100 et 140 mètres d’altitude, la ville avait, malgré tout, été prise par les assaillants.
C’est pour la défendre qu’ont été construits les remparts (Ngome) bien conservé jusqu’à nos jours, tout comme les tours de guet et les fameuses portes historiques. A l’instar de la ville d’Itsandra et Ikoni entre autres, la médina de Ntsudjini est un symbole de la résistance contre les razzias malgaches.
«De toutes ces villes murées comoriennes, seul les remparts de la ville de Ntsudjini possède sept différentes portes dont chacune a un rôle bien spécifique. La plus importante d’entre elles est celle dite «de la paix» ou «Goba la salama» par laquelle passaient les guerriers. Au bas de cette porte, ai inscrit un «Wafaku», une écriture magico-religieuse censée protéger les guerriers», explique l’expert National, Dr Bourhane Abderemane.
Ntsudjini, «bien plus qu’une ville ordinaire»
Parmi ces sept portes «Magoba mfukare» bien conservées, on trouve notamment le «Goba Djufudu», le «Goba maleni» et le «Goba Trandzikowa». «En somme, Ntsudjini est bien plus qu’une ville ordinaire. Elle est un carrefour civilisationnel, plein d’histoire, possédant une architecture qui raconte le passage des différents groupes qui ont eu à la peupler. Il suffit de jeter un coup d’œil à la mosaïque du peuplement de Ntsudjini pour comprendre que son anthropologie physique témoigne de tous ces différents groupes. Tous ces éléments distinctifs – son architecture, ses traditions vivantes et son potentiel touristique, notamment – font de Ntsudjini une perle précieuse de l’archipel des Comores», estime Mboreha Selemane dans son rapport sur la préparation du dossier d’inscription des Médinas des sultanats historiques des Comores au patrimoine mondial.
Mahdawi Ben Ali